Printemps 1998,
Marrackech, dans un sublime hôtel réservé par mon père et sa compagne. Étant donné que mon petit frère n’a que six mois, on n’a pas l’occasion de partir à l’aventure trois fois par jour. Et puis, je suis trop jeune pour explorer la ville et ses environs tout seul ; je passe donc beaucoup de temps dans ma chambre à lire, inventer des jeux de rôle et à écouter de la musique. Par chance, j’ai embarqué mon walkman et les cassettes que mon oncle m’a enregistrées un peu plus tôt cette année. Parmi mes préférées, Dummy de Portishead, Maxinquaye de Tricky et Homogenic de Björk. C’est d’ailleurs cet album qui imprègne le plus ce séjour au Maroc, même si je suis incapable d’expliquer pourquoi.
J’étais à la fois très heureux de passer mes vacances ici, mais également ultra mélancolique, comme un pré-ado en proie à des émotions bizarres qu’il a un peu mal à comprendre. La voix envoûtante de Björk, les arrangements à la fois sombres et oniriques de ses morceaux, les mélodies parfaites… l’ambiance magique d’Homogenic a accompagné à merveille ces sessions un peu étranges, au cœur d’un établissement féérique. La chanson Immature m’a touché encore plus que les autres. Peut-être parce que je ne comprenais qu’une seule phrase et qu’elle me parlait particulièrement. “How Could I Be So Immature ?” Quand on a treize ans, ça paraît forcément archi trop vrai, quoi ! Même si on ne s’en rend compte que des années plus tard.
Quoi qu’il en soit, c’est lors de cette période que j’ai compris à quel point mon oncle a joué un rôle primordial dans ma culture musicale et mon ouverture d’esprit (il m’a enregistré une cinquantaine de cassettes en tout). J’ai pris conscience qu’il existait autre chose que le hard rock eighties chanté par mon père en bagnole ou les cinq disques que ma mère se repasse en boucle tous les six mois ; sans parler de l’eurodance et du nu-disco qui saturait les ondes radio à longueur de journée. Bam ! Tout un univers s’est ouvert à mes oreilles (et inversement), fait de rock alternatif, de trip-hop, de folk, de new wave, de techno et bien d’autres genres.
Ouais, qu’est-ce que j’étais immature, alors ! Mais quand Björk m’a balancé cette semi-vanne au visage, et bah j’ai pris quinze ans dans la tronche. Cet âge mental n’a affecté que mon amour pour la musique, heureusement. Pour tout le reste, je suis resté un gros gamin.
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