Faithless - Insomnia

Été 1998, je crois. 

Dans une chambre d’hôtel, ou une chambre d’hôtes, je ne sais plus.

D’habitude, on dort dans la maison de mes beaux-grands parents, des beaux-parents de mon père, quoi. Ou les parents de ma belle-mère, au choix. Elle devait être déjà pleine de cousins et de neveux par alliance. Je suis une pièce rapportée, après tout. C’est normal de laisser la place aux autres. 

Mon père dort dans le lit, tout seul. Aucune idée de pourquoi sa conjointe n’est pas avec nous. Moi, je suis allongé sur un matelas miteux posé au sol.

Je ne sais pas quelle heure il est, quelque chose comme minuit passé. J’ai lu un gros quart d’un bouquin de poche Star Wars mais ça ne me permet toujours pas de trouver le sommeil. Il n’y a pas de raison particulière, je suis un pré-ado sujet à des petites déprimes passagères plus ou moins irrationnelles.

J’ai envie d’être ailleurs, j’ai envie d’être avec mes potes, j’ai envie d'être tout seul, je suis content d’être là mais pas content parce que… j’en sais rien.

Ici, on est plus près de la plage que ne l’est la baraque. On entend des rythmiques saccadées en provenance d’un bar ou d’une boîte de nuit mais ce n’est pas le bruit qui m’empêche de pioncer. Au contraire, j’essaie de déterminer quelle musique est en train de passer, pour essayer de m’évader un minimum. Bon, peut-être que c’est ça qui me tient éveillé, au final.

Quelques minutes plus tard, je perçois également une mélodie en plus du “boum boum” enivrant des morceaux choisis par le DJ. Des cloches synthétiques, d’où se dégage une profonde mélancolie mais d’où transparaît tout autant une invitation à danser jusqu’au bout de la nuit. Ce morceau s’appelle Insomnia, de Faithless. Je ne l’apprendrai que beaucoup plus tard mais après coup, je trouve le coïncidence assez géniale.

J’avais déjà expérimenté le plaisir de me trémousser sur de la musique de ce style l’année précédente mais là, il se produit un autre déclic. Je suis envahi par une grande tristesse dont j’ai du mal à définir l’origine. J’ai fini par comprendre, des années après. C’est parce que je suis coincé là alors que d’autres s’amusent comme des petits fous, à s’oublier dans un océan de dance, de house et de techno. Ça parait ridicule aujourd’hui mais à l’époque, j’avais été hyper frustré. Je pense que c’est depuis ce jour que j’ai réellement compris que j’étais amoureux du Dancefloor. C’est devenu un exutoire extatique. Et chaque fois que je ratais une soirée, que j’étais retenu quelque part alors que mes potes se lâchaient sur du gros son, ça me reprenait aux tripes. Ce sentiment refait parfois surface encore aujourd’hui, même s’il est de moins en moins fréquent, moins puissant aussi, heureusement.

Je me demande si dans quinze ans ça me bouffera toujours de ne pas pouvoir assouvir ma soif de danser quand j’en ai envie. En un sens, j’espère que oui.


Le morceau en question (les fameuses cloches à partir de 2'20)


Ou en version longue (perso je préfère)

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