Linkin' Park - 1 stp Klsr


Fin de l’été 2002

Je suis avec mon super pote, dans sa chambre en train de jouer à la Playstation 2. C’est la fin de journée mais je ne rentre pas chez moi. Normal, on a une soirée de dingue de prévue ! Et quand je dis de dingue, c’est qu’on va se poser sur les galets à la plage, avec notre Derbouka, trois Koenigsbier chacun, vêtus de notre plus beau sweat à capuche ! Il y a de grandes chances qu’une bande venue des quartiers chauds débarque pour vous éclater la tronche mais bon… si on se met à flipper pour ça, on fait plus rien, pas vrai ?

Soudain, on reçoit un texto. Le reste de notre groupe approche de la maison, ils nous attendent pour qu’on descende tous ensemble à la playa. Chanmé ou quoi ? En plus, y a ma nouvelle meuf dans le groupe. Sauf qu’ils vont poireauter un peu, parce qu’on vient d’avoir une idée de ouf : se passer un gros son pour nous mettre la pêche avant de partir. C’est pas comme si on en avait besoin, on est déjà bien survoltés, mais bon. C’est une sorte de tradition. Et puis, si on cumule l’angoisse liée aux potentielles embrouilles avec les cailleras de la Ville Haute, et le fait que je ne suis pas encore hyper à l’aise en présence de ma copine… Allez, on a besoin d’un truc puissantissime, là.

Justement, j’ai ce qu’il faut ! J’ouvre ma pochette CD (qui peut contenir jusqu’à vingt disques, trop de la balle !) et je sors l’album Reanimation, de Linkin’ Park. Je précise vite fait qu’à l’époque, Linkin’ Park c’est un peu synonyme de classe ultime. Aujourd’hui, aimer Linkin’ Park, c’est tomber direct dans la catégorie des amateurs de bouse-rock, sauce mièvre. Mais bon, au début des années 2000, ouais OK, ça déboîte, on est d’accord. Mais là, non seulement c’est Linkin’ Park, mais EN PLUS, c’est le premier album remixé en mode triple fusion electro / rap, passé à la moulinette du nouveau millénaire.

Mon pote acquiesce à fond. Je lui passe mon morceau préféré, durée : 5 minutes 46. Bon, les gens vont vraiment attendre ! Tant pis. Au début, la longue intro un peu sombre laisse planer le doute sur la vraie nature du morceau. Et puis, grosse coupure à base de beats bien lourds ; le chanteur démarre, accompagné d’effets sonores métalliques :
"I cannot take this anymore
I'm saying everything I've said before"

-Ah yes ! C’est One Step Closer, jla kiffe trop !” me dit mon ami. 
Nan mec, c’est 1 stp Klsr, nuance ! Et c’est dix fois plus terrible ! Tout arrive par gros coups de boutoir. La rythmique plus vénère qu’un bulldozer Caterpillar, la guitare plus grondante qu’une course de Nascar, et les lyrics de Chester Bennington découpées pour toujours plus de percussion. Comme si on n’avait pas déjà les tympans en miettes, Jonathan Davis, le chanteur de Korn, vient en remettre une couche en gueulant un bon coup. Mais le meilleur, c’est que le son est structuré comme un mix de techno, avec des montées, des lâchers de pression ultra jouissifs, des passages plus calmes qui font remonter la tension… pour parachever le tout avec un final d’une violence extatique.

5 minutes 46 plus tard, on vient de fracasser le plancher de nos pieds pour la dernière fois. Les cheveux en l’air, le t-shirt trempé de sueur, les posters aux murs arrachés, la table basse brisée en deux… Bah j’crois qu’on est chauds ! On sort de la baraque, les potes sont partis sans nous. Par grave, on a emmagasiné assez d’énergie pour se taper avec tous les fous furieux du Havre, s’il le faut. 



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