dEUS - Magdalena


Fin de l’été / début de l’automne 2000

Je suis en week-end avec mon père, chez de bons amis à lui, que je connais depuis toujours. D’habitude, j’adore passer du temps chez eux, on s’amuse toujours à fond. Cette fois encore c’est bien le cas et pourtant, je me sens étrange. Une petite gêne se loge dans mon ventre et enfle au cours de la soirée, jusqu’à emplir tout mon être au moment où tout le monde va se coucher. Je me retrouve seul dans un lit, avec pour seul compagnon le silence. Alors que ça ne me dérangeait pas le moins du monde avant, ce jour-là, j’ai le bide tout comprimé.

Parce que depuis, j’ai découvert les sorties le soir ! Et forcément, j’en ratais une en partant en week-end avec mon père. Et ma toute nouvelle copine y était, et pas moi, et elle me manquait déjà à fond, et tout et tout ! Mes potes faisaient la fête dehors et moi, je squattais un lit, tout seul, à plus de cent bornes d’eux ! J’ai cru mourir quand j’en ai pris conscience !

J’ai découvert le terme “Fear of missing out” des années plus tard, et j’ai pu mettre des mots sur ce que j’avais expérimenté à partir de mes quinze ans. Dès lors, les sessions avec papa se sont teintées de cette impression bizarre, bien que j’aie continué à les considérer comme sacrées. Je n’allais pas jusqu’à ne plus vouloir voir mon père pour rester avec mes amis lors de nos prochaines retrouvailles, mais ce n’était plus pareil malgré tout.

Au moment où j’ai compris tout ça, l’album Ideal Crash de dEUS tournait depuis un moment dans mon lecteur CD portable. Est arrivée la septième piste, Magdalena, dont le début apaisant (à part les paroles mais je n’y captais rien) ne prépare pas à la seconde partie du morceau. Sans prévenir, l’ambiance change, se noircissant d’un coup. La guitare entame une boucle mélodique de deux mesures, qui se répétera jusqu’à la fin, de plus en plus torturée. Chacune des notes m’arrache un frisson dans le dos. Les instruments étouffent progressivement le chanteur sans pour autant l’annihiler. Tout se noie dans une tempête émotionnelle. Cette nuit-là, la chanson a été propulsée dans mon top 5 ultime de l’époque, et ce pour un paquet d’années.

Encore aujourd’hui, mes poils se dressent lorsque j’écoute Magdalena dans les bonnes conditions. Peut-être parce que ma “Fear of missing out” n’a jamais disparu.




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