Date de sortie : 2000 (PC)
Type de jeu
hef d'œuvre suprême ? Joyau ultime ? Quintessence vidéoludique qui clôt le XXème siècle de manière impeccablement parfaite
Premier contact
Ayant déjà porté Diablo premier du nom au panthéon des meilleurs jeux de tous les temps, je passais des heures à éplucher les magazines spécialisés, en espérant découvrir le moindre indice d’une suite en développement. Je me souviens avoir vu des screenshots estampillés Diablo II dans un Gen4 au CDI de mon collège, puis plus rien pendant des années, comme si une première version avait été présentée avant d’être abandonnée. Enfin, quand l’annonce officielle a été faite, j’ai embarqué un autre magazine en vacances d’été, relisant les mêmes pages sans relâche dans ma chambre, au lieu de squatter la plage. Puis un jour, dans un magasin du même style que la Fnac, mon père m’a dit que je pouvais aller me chercher un jeu vidéo pour mon cadeau de noël. Par habitude, j’ai lorgné du côté des RTS et un peu par défaut, j’ai attrapé la boîte d’Alien Nations ; mais en repartant, je suis passé devant un boîte affichant un crâne encapuchonné, dont le titre flamboyant a illuminé mes pupilles innocentes. Diablo II, enfin disponible ! Je tenais là l’un de mes trésors les plus précieux, mais j’allais encore devoir attendre une bonne semaine avant de revenir chez maman pour l’installer sur l’ordi familial. Des kilomètres d’ongles ont été rongés, cette année-là. Désolé Alien Nations, je n’ai jamais su ce que tu valais, du coup.
Retour sur expérience
Du point de vue du gameplay, Diablo II fait tout à peu près trente fois mieux que son aïeul. Sept personnages jouables au lieu de trois (avec extension), cent fois plus d’aptitudes et de sortilèges... infiniment plus d’objets et d’équipement ! Impossible de tout dénicher, ni de tout tester sans y dédier plusieurs années, ce que nous avons été des millions à faire. Et derrière, le pack additionnel Lord of Destruction en a remis une bonne couche ! Pour couronner le tout, le mode multijoueur sur internet offrait les meilleures possibilités pour choper les objets les plus puissants ! Du côté du level design, là aussi c’est l’orgie totale. On passe d’une douzaine d’étages d’un seul donjon dans le premier Diablo, à quatre actes dotés de six ou sept niveaux ouverts, eux-mêmes agrémentés de plusieurs donjons de deux ou trois sous-sols chacun. Rien que de finir l’histoire en entier prenait des jours. Tous les fans de la première heure ne pouvaient rien faire d’autre que tomber en pâmoison devant une telle évolution du concept de base. Bien sûr, pendant ce temps, on ne faisait pas nos devoirs. Tous les ans, bon nombre de lycéens ratent leur Bac à cause de Roland Garros, moi j’ai bien failli foirer à cause de Diablo II (et Roland Garros aussi, d’ailleurs, double peine).
Flashback spécial ambiance
Là où Diablo II gagne en contenu et en mécaniques de jeu, je me retrouve forcé d'admettre qu'il perd un peu en atmosphère. Impossible de reproduire le huis-clos ultra angoissant du premier opus dans un univers si vaste, même si on en retrouve des ébauches dans certaines grottes ou temples corrompus par le malin. Sur le coup, j’ai tellement été happé par l’avalanche de nouveautés que je m’en suis totalement moqué. Aujourd’hui, je regrette un peu que ce jeu n’ait pas été marqué par l’horreur qui se terre derrière chaque coin de mur, comme chez son prédécesseur. Ce sentiment est dû autant aux graphismes qu’au scénario. Notre personnage n’est plus un simple badaud emporté malgré lui dans une aventure au-delà du désespoir. C’est un héros qui a déjà bourlingué et qui recherche un peu plus de gloire. Forcément, la peur de mourir sous les coups d’un démon ne nous taraude plus comme avant. Ou peut-être qu’en prenant quelques années, l’inquiétude de voir débarquer un bouc humanoïde carnivore dans ma chambre a pris du plomb dans l’aile. Heureusement, Diablo II nous fait voyager autrement, sous la pluie glaçante qui balaie des prairies oubliées, à travers les tempêtes de sable de déserts désolés ; il nous perd dans des jungles immenses et des donjons torturés… Bon, j’avoue que j’ai flippé grave face au boss final de l’acte deux, et pas qu’une fois ! Sacré Duriel, ce gros ver armé de crochets plus grands qu’un être humain, qui nous charge avant même qu'on le voie. Mon nécro a crevé une vingtaine de fois avant d’en venir à bout.
Réécoute de la bande-son
Même chose que pour l’ambiance : on tremble moins lorsque la musique traverse nos tympans, la sueur qui dégouline dans notre dos est un peu moins glaçante qu’auparavant. Mais comme pour le contenu, Matt Uelmen nous offre cette fois une pléthore de morceaux à déguster. Par rapport aux cinq titres du premier Diablo, on ne peut pas lui reprocher grand-chose. Surtout que la plupart du temps, les mélodies et les nappes sonores qu’il parvient à créer atteignent des sommets de beauté que personne n’a su égaler, mis à part lui-même dans ses travaux ultérieurs. Certes, on n’a plus aussi peur qu’en 1996, mais eh, on a peut-être bien le droit d’écouter d’autres machins que des boucles déprimantes, nan ? Qui n’a pas envie de s’asseoir près d’un feu la nuit dans les Highlands, au son du thème du campement des Rogues ? Qui n'a jamais embarqué pour le fin fond du Tchad, après avoir entendu la musique qui accompagne Lut Gholein, la ville perdue au milieu des sables ? Qui a su résister à l'envie de s'enrôler dans un groupe de braconniers en Amazonie, après s’être passé le morceau de la jungle en boucle ? Hein ? Voilà le vrai pouvoir de la musique de Matt Uelmen ! Un grand homme, à n’en pas douter.
Moment Nostalgie
Diablo II m’a rempli la tête de bons moments au point de changer définitivement la vision que j’avais pour les jeux vidéo depuis mes quatre ans. Il y a eu toutes ces sessions où je traversais la ville avec ma Fiat Panda, l’ordi dans le coffre, le jeu dans le lecteur CD-ROM, et un câble ethernet de quinze mètres posé à côté. Tout ça pour passer trois jours et trois nuits à brutaliser le jeu en réseau avec un pote, repoussant les limites de la fatigue. Il y a eu cette fois où un autre ami m’a écrit une carte postale, juste pour me raconter son ressenti après avoir testé l’extension Lord of Destruction, alors que j’étais coincé dans un village vacances en Ardèche (quelle torture, hein !). L’été que j’ai passé dans les Pyrénées Orientales, à relire les mêmes pages du seul magazine que j’avais embarqué avec moi au lieu d’aller me baigner. Tous ces fichiers excel qu’on avait tenus à jour, pour lister les objets spéciaux à récolter dans des mods créés par des fans encore plus fans que nous. Ces soirs où je restais crispé pendant tout le repas, car j’étais bloqué contre un gros boss et que ça me pourrissait la vie. Les dernières sessions en cyber café avec mon père, qui prit sur lui pour incarner un barbare et accompagner mon nécromancien, alors qu’il aurait préféré se faire insulter par les jeunes du coin à Counter Strike. Heureusement qu’on finit toujours par se sortir de ce genre de phases qui rappellent les heures les plus sombres de la toxicomanie. Ça semble malsain comme ça, mais ça reste des souvenirs totalement géniaux pour moi. Les derniers souvenirs vidéoludiques de mon enfance. Même si j’ai passé des milliers d’heures sur d’autres titres plus récents, rien ne m’a plus jamais transporté comme ça. Bon, ça vient peut-être aussi du fait que je n’ai pratiquement joué qu’à ça pendant près de dix ans, et que la magie n’a plus opéré lorsque je suis sorti de l’adolescence. Peut-être bien, oui. Depuis la sortie de Diablo II, je n’ai plus jamais feuilleté de magazine, les mains tremblantes d’émotion. Je n’ai plus arpenté les étagères des revendeurs avec des étoiles dans les yeux. Diablo II m’a tellement marqué qu’il a brisé ce qui restait de magie enfantine chez moi, pour mieux me la renvoyer au visage vingt ans plus tard, sous forme de nostalgie à la puissance colossale. Et me voilà à dresser un top 50 vidéoludique pour tenter de pérenniser tout ça. Foutu passage à l’âge adulte ! Que quelqu’un remonte le temps, bordel !
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